A minuit, les ogres dansent et les nuages
A minuit, les ogres dansent et les nuages s'éparpillent ripailles
assoiffés déboires calculés, la nuit nous prend dans son fourreau je
sens ses griffes au travers de ma chair et l'ennui est mon seul
compagnon. Au dedans, là ou l'air s'écoulait il n'y a pas si longtemps
je sens le mauve monter comme un éternel rejet comme une simple nausée,
la couleur est entrée là où mon seul silence était tellement roi, elle
s'est infiltrée comme une charogne au travers des parois et fait battre
ses ailes dans une mesure que je ne connais pas.
Puis l'asphalte se
fait gel, mes pieds se bosselent sous les valises de froid, la peau se
tire jusqu'à laisser échapper une brève étincelle de sang, je me suis
faite miel pour pouvoir résonner les soirs d'asphyxie au fond des
couloirs, mais les piqûres insecticides doivent être l'autre coté du
dé, je me suis jetée il y a tant, déjà, que je n'ai plus aucune notion
de sentiment il ne reste que le sanglant, le lancinant espoir
d'explosion qui vient se lover tout contre mes rêves et vient répandre
le purin là où hier, le simple silence me semblait tellement roi.
Ainsi
les graviers se mettent à danser des rondes d'enfants aux grimaces
acérées, un puis deux dans mon gosier je ravale l'incipit de ma vie et
ferme les yeux pour ne pas pleurer. Parce que dans la larme coule le
sucre-amer des racines agonisantes, parce que dans la larme il y a le
soubresaut des plus angoissant, ce dernier petit éclat de vie qui
semble tant de fois m'abandonner et que j'ai tellement peur de montrer.
Alors
j'inscris sur les trottoirs les dernières lettres de ma raison,
j'esquisse sur les toits qui m'encerclent des mots égarés sur les
tuiles qui s'effritent sous mon briquet, alors je redeviens l'ombre de
l'absence de tout qui m'envahit chaque jour un peu plus, un soupir puis
les violons reviennent cracher tourments ensorcelés qui ne
ressurgissent qu'avec la faiblesse, alors je redeviens ce trait noir
qui s'effile le long des lampadaires, et je fricotes avec l'horrible,
avec l'agonisant, il me paralyse alors aux lueurs des nuages qui
avancent comme pour nous donner la voie, et me fait encore jouer à
celle que j'arbore chaque jour, et j'oublie, puisque le temps est cet
insatiable affamé qui me vole tout jusqu'à dignité.
Je danse contre
les murs et fait jouer mon autre-cette autre lueur d'(en)vie- je colle
le cuir contre le crépit, et j'écoute la peau se transpercer, peu a
peu, pour laisser l'air respirer, j'écoute les larmes se faire ravaler
et brusquement tout devient fumée, comme des enchantements d'au de là,
et alors je laisse le poids réveiller les jambes qui finissent, de
toute façon, toujours par céder.
Et demain déjà - M.TYA